1ère partie - La Christianisation des Temps : la conquête du temps, le calendrier



Le mot « calendrier » est défini par le dictionnaire LAROUSSE comme un « système lié d'une manière plus ou moins stricte à la durée de révolution de la Terre autour du Soleil ou à celle de la Lune autour de la Terre et permettant de recenser les jours, les semaines, les mois et les années. » Il dérive du latin calendae (« qui sont appelés ») et du verbe calarer (« appeler »). En effet, chez les Romains, les calendes désignaient le premier jour du mois. Ce jour-là, les débiteurs devaient payer leurs dettes inscrites dans des livres de comptes (les calendaria), et les pontifes définissaient les dates des jours fériés du mois suivant.
Un calendrier est donc un système élaboré par les hommes afin de fonder une chronologie commode basé sur un ensemble de préceptes.
Il s’agit donc de définir les durées les plus objectives possibles en déterminant la longueur des années, des mois et de leurs divisions intermédiaires.

Les évènements astronomiques à l’origine des calendriers


Dans le choix des critères de construction des calendriers, les rythmes nous sont imposés par les principales manifestations astronomiques. Les cycles du Soleil et de la Lune sont très importants dans la compréhension des calendriers et leur élaboration.

D’abord, l’alternance du jour et de la nuit (rotation de la Terre sur elle-même) semble avoir été, dans toutes les civilisations, l’unité fondamentale de repérage. Tous les calendriers connus utilisent ce repère, qui a pour tout le monde la même valeur : une journée.
Ensuite, les lunaisons (rotation de la Lune autour de la Terre), simples à observer, ont permis de compter le temps pour des périodes supérieures à quelques jours. On la voit croître, atteindre le premier quartier puis décroître jusqu’à sa disparition totale après être passée par la rotondité parfaite.
Enfin, la période du trajet apparent du Soleil autour de la sphère céleste va définir l’année, période d’une durée relativement longue dont l’écoulement peut se repérer par des phénomènes comme les solstices ou les équinoxes ou l’allongement des ombres.

Mais tous ces phénomènes astronomiques ne sont pas commensurables entre eux. Une année ne correspond pas à un nombre de jours entiers, ni à un nombre entier de lunaisons, lesquelles ne correspondent pas à un nombre de jours entiers.
Retour sur les principaux évènements astronomiques à la base des calendriers…

  • Journée solaire

Le jour solaire est le temps mis par la Terre pour faire un tour sur elle-même du point de vue du Soleil. Autrement dit, le jour solaire est le temps séparant deux passages consécutifs du Soleil au méridien d’un lieu. Mais les jours solaires eux-mêmes ne se valent pas entre eux et s’ils durent en moyenne 24 heures, leurs durées varient entre 23 heures 59 minutes et 39 secondes et 24 heures et 30 secondes. A cause de la Lune et de la dissipation d’énergie que constituent les marées, la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même diminue. La durée du jour augmente donc, au rythme d’environ deux millisecondes par siècle. De ce fait, il y a cent millions d’années, l’année durait 380 jours. La Lune s’éloignant de la Terre, cet effet d’allongement des jours est de moins en moins rapide

  • Année tropique, Equinoxes et Solstices

L’année est basée sur la révolution de la Terre autour du Soleil, l’année dite « tropique », c’est-à-dire la durée pour qu’un point fixe (tel un solstice ou un équinoxe) revienne au même endroit. Sa taille est couramment de 365,2422 jours, taille variable en fonction de l’influence des forces gravitationnelles des autres planètes. la durée de l’année tropique de l’an 2000, selon l’astronome français Pierre Bretagnon (1942-2002) de l’Observatoire de Paris-Meudon, était de 365,242190517 jours (soit 365 jours 5 heures 48 minutes et 45,2606 secondes)NOTE 1 .

Le solstice (du latin solstitum ; de sol le « soleil », et sistere « s’arrêter, retenir ») est un évènement astronomique qui se produit lorsque la position apparente du Soleil vu de la Terre atteint son extrême méridional ou septentrional. Une année connaît deux solstices : en juin vers le 20, le 21 ou le 22 ; en décembre vers le 20, le 21 ou le 22NOTE 2.

Un équinoxe (du latin aequinoctum ; de aequus « égal », et nox,noctis « nuit » : le jour et la nuit ont une durée identique) est un point de l’orbite terrestre qui est atteint lorsque le Soleil est exactement au zénith sur l’équateur terrestre. Une année connaît deux équinoxes : en mars vers le 19, le 20 ou le 21; en septembre le 22, le 23 ou le 24NOTE 3.

Ces variations sont la conséquence d’une orbite terrestre pas tout à fait circulaire et sa vitesse dépend donc de sa position d’abord (les saisons ont donc des durées inégales), ensuite d’une année civile qui n’est que de 365 jours et enfin d’un décalage bissextile qui compense légèrement trop cette différence.

Les solstices d’hiver et d’été, ainsi que les équinoxes et les dates situées à mi-chemin sont la source de nombreuses célébrations, fêtes païennes ou fêtes religieuses dans différentes cultures.

  • Mois synodique et Cycle métonique

Du point de vue astronomique, il est possible de définir plusieurs types de mois en relation avec le mouvement de la Lune autour de la TerreNOTE 4. Mais c’est le mois synodique (ou lunaison) qui est à la base de la plupart des calendriers lunaires. Une lunaison correspond à l’intervalle entre deux nouvelles Lunes consécutives. En moyenne, la taille d’un mois synodique est estimée à 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes, mais sa durée est influencée par la force gravitationnelle du Soleil et de son propre plan d’inclinaison orbitale. Un calendrier lunaire considère que deux lunaisons durent 59 jours : un mois plein de 30 jours suivi d’un mois creux de 29 jours. Ce système nécessite des corrections sur le long terme, généralement par l’utilisation de jours intercalairesNOTE 5.

La taille de l’année tropique n’étant pas divisible par la taille d’un mois synodique (elle comporte 12 lunaisons et 10,875 jours), la relation entre les deux phénomènes astronomiques n’est pas assurée, ce qui rend la construction d’un calendrier luni-solaire difficile. Cependant, un astronome athénien du Ve siècle avant J.-C., Meton, a démontré que tous les dix-neuf ans, les phases de la Lune se retrouvent à la même date (dix-neuf années tropique représentant 234,997 mois synodiques – presque 235 à deux heures près) : le « cycle métonique ». Un tel calendrier métonique (par exemple, le calendrier hébraïque) dérive toutefois d’un jour tous les deux cents ans.

Pour résoudre cette difficulté, les peuples ont choisi soit de laisser le calendrier se désynchroniser soit de le recaler empiriquement sur les phénomènes célestes, quitte à perdre la continuité des jours.
Mais tous les calendriers qui ont atteint un certain niveau de précision ont abandonné l’idée de synchroniser à la fois le mois lunaire et l’année solaire. Ils sont soit purement lunaire (calendrier musulman), les mois commencent à la nouvelle Lune et le calendrier dérive par rapport aux saisons. Soit purement solaire (calendriers julien, grégorien, républicain) : la durée de l’année est liée aux saisons et les mois ne sont pas liés aux phases de la Lune. Soit luni-solaire (calendriers grecs, chinois, hébreux, celte, chaldéen) : les mois commencent à la nouvelle Lune et on ajoute « à certains moments » un mois pour que le calendrier ne dérive pas par rapport aux saisons.

L’héritage romain


Le calendrier grégorien que nous utilisons aujourd’hui est l’hériter direct du calendrier julien.

L’expression « calendrier romain » désigne l’ensemble des calendriers utilisés par les Romains avant la réforme julienne de 45 avant J.-C. Il serait, selon la tradition rapportée entre autres par OVIDE dans Les Fastes, l’invention de ROMULUS, fondateur de Rome en 753 avant J.-C. Il semble cependant avoir été fondé sur les bases des calendriers lunaires grec ou étrusque.

  • Les origines du calendrier julien

Le calendrier romain attribué traditionnellement à ROMULUS (mais certainement d’origine étrusqueNOTE 6) comportait à l’origine dix mois. L’année commençait à l’équinoxe de printemps avec le mois de primus et se terminait en décembre qui était bien le dixième mois des origines. Comptant 304 jours, il restait alors environ 61 jours par an hors calendrier, ajoutés irrégulièrement pour réajuster le calendrier sur les lunaisons, jours non nommés et non décomptés.

La première réforme fondamentale du calendrier de ROMULUS est attribuée au roi quasi-légendaire NUMA POMPILIUS (vers 715-673 avant J.-C.) qui ajouta deux mois supplémentaires à la fin de l’année : février et janvier (dans cet ordre !) de 28 jours. Pour palier le manque de jours dans l’année, on ajouta un mois supplémentaire (mens intercalaris) de 29 jours tous les quatre ans. Puis les Romains ajoutèrent un jour de plus à janvier. L’année comptait alors 355 jours et 385 jours tous les quatre ansNOTE 7.
Mais l’année moyenne étant trop courte (en moyenne 362,5 jours), des jours supplémentaires devaient être apportés de façon irrégulière, pour recaler le calendrier avec le cycle saisonnier solaire.

Vers 450, avant J.-C., les Romains intercalèrent 90 jours sur huit ans avec un mois nommé Mercedonius (alternativement composé de 22 et 23 jours), placé tous les deux ans entre le 23 et le 24 février. Mercedonius est issu du latin merces « mercenaire » car c’est à cette époque que les mercenaires percevaient leurs salaires. L’année comptait alors 355 jours tous les deux ans, et alternativement 377 ou 378 jours les autres années. C’est aussi à cette époque que, certainement pour plaire au dieu Janus, vers 450 avant J.-C., on inversa les mois de février et janvier.

Bien que plus proche de l’année solaire que le calendrier précédent (sur une période de huit ans on obtenait 2930 jours correspondant à une année moyenne de 366 ¼ jours) ce résultat était encore trop long et 7 jours furent supprimés dans la huitième année. Ce principe permettait de ramener la longueur moyenne de l’année calendaire à 365 ¼ jours sur 24 ans, proche de l’année tropique.

Là est la théorie. Dans la pratique il appartenait aux grands pontifes de définir le calendrier et de déterminer les intercalations. Mais, en partie du à l’ignorance (les règles pour tenter de conserver l’alignement des lunaisons restaient floues et incompréhensibles), en partie parce que les années bissextiles étaient considérées comme un mauvais présage (et donc évitées en période de crises comme lors de la seconde guerre punique), et surtout parce que les consuls manipulaient à volonté l’application du calendrier en fonction d’échéances politiques (notamment en raccourcissant ou supprimant parfois les mois intercalaires), le calendrier finit par se décaler dans l’année. De plus, comme les intercalations étaient déterminées assez tardivement, un citoyen romain ordinaire ne connaissait pas la date officielle, particulièrement s’il se trouvait loin de Rome. Ainsi, le calendrier devint peu à peu incompréhensible ; les années précédant la réforme julienne furent appelées « les années de la confusion ».

  • La réforme julienne

Jules César, élu Pontifex maximus depuis une quinzaine d’années, muni des pouvoirs politiques et religieux, introduit en 46 avant J.-C. (soit en 708 ab Urbe condita), une réforme du calendrier romain qui entra en vigueur l’année suivante. Cette réforme avait pour objet de créer un calendrier qui resterait de façon simple en correspondance avec le Soleil, sans intervention de l’homme. Elle fut établie après consultation de l’astronome Sosigène d’Alexandrie et probablement conçue pour approcher l’année tropique, déterminée depuis au moins Hipparque (vers 130 av. J.-C.). Notons ici que le calendrier issu de la réforme de JULES CESAR est proche dans l’esprit de celui des égyptiens de 365 jours. Si les astronomes égyptiens connaissaient depuis plusieurs siècles la durée exacte de l’année (365 ¼ jours), les pharaons ne purent l’imposer au peupleNOTE 8.

La première étape de la réforme fut le réalignement de l’année romaine avec l’année tropique. Du fait des intercalations absentes, le calendrier romain avait pris 90 jours d’avance. L’année 46 av. J.-C. dura donc 445 jours. Cette année avait déjà été étendue de 355 à 378 jours par l’insertion d’un mois intercalaire régulier en février. Lorsque César décréta la réforme, il ajouta 67 jours en intercalant deux mois exceptionnels entre novembre et décembre. Cicéron nomme ces mois intercalaris prior et intercalaris posterior dans une lettre écrite à cette époque.

Ensuite, le nombre de mois étant resté à douze, César module leur durée pour arriver à 365 en les allongeant selon la répartition suivante : trente et un jours sont attribués à ianuarius, martius, mais, quintilis, september et november ; trente jours à aprilis, junius, sextilis, october et december ; februarius conserve vingt neuf joursNOTE 9.

Enfin, César ajoute aussi tous les quatre ans sans exception, un jour. Une année du calendrier julien dure donc 365 ¼ jours en moyenne (proche donc d’une année tropique de 365,2422 jours en moyenne). L’ancien mois intercalaire Mercedonius est aboli. Le nouveau jour est inséré en février sans que la position exacte de celui-ci ne soit certaine. Selon Censorinus (vers 238), il aurait été inséré après les Terminales soit entre le 24 et le 25 février. Ce jour intercalaire redoublait le 24 févier (un « 24 février bis »), afin de ne pas modifier les commémorations de ces cinq derniers jours. Le 24 février se nommant ante diem sextum Kalendas Martias (« le 6ème jour avant les calendes de mars »), le « 24 février bis » fut appelé ante diem bis-sextum Kalendas Martias (bis-sextum, le « deux fois 6ème »). L’année qui comprenait deux fois ce 6ème jour devint l’annus bissextilis (l’année bissextile).

Pour perpétuer le souvenir de César assassiné en 44 avant J.-C., Marc Antoine, alors consul, ordonne de renommer quintilius en julius, mois de sa naissance. De même, en 8 avant J.-C., le Sénat romain décida d’honorer leur empereur Auguste en rebaptisant sextilis en augustus. Toutefois, le mois d’Auguste ne pouvait, décemment, pas avoir moins de jours que le mois de César, on ajouta un jour nouveau au mois d’augustus, enlevé à februarius qui n’en comptait désormais plus que 28. Pour respecter l’alternance paire et impaire des mois et afin de maintenir les dates de l’équinoxe d’automne et du solstice d’été, la durée des mois de september à december fut modifiée

Le calendrier julien a été utilisé jusqu’à son remplacement, à la fin du XVIème siècle, par le calendrier grégorien et, jusqu’au XXème siècle dans certains pays, tel la Grèce ou la Russie. Les églises orthodoxes de Russie et de Serbie ou encore les monastères du mont Athos l’utilisent encore aujourd’hui, tout comme le calendrier copte mais avec quelques variantes d’applicationsNOTE 9bis.

La réforme grégorienne : « pour le soleil »


Au début de son pontificat, le pape Grégoire XIII réunit une commission afin de corriger la dérive séculaire du calendrier julien (déjà constatée officiellement au concile de Florence en 1414). Cette commission devait d’abord rétablir l’alignement du calendrier avec le Soleil, définir un système d’intercalation qui ajuste l’année calendaire sur l’année tropique avec plus de précision et rendre le calcul de la date de Pâques conforme aux prescriptions du Concile de Nicée.

En effet, l’excès de jours intercalaires du système julien par rapport aux saisons astronomiques entraînait une avance de onze minutes par an des solstices et des équinoxes par rapport à l’année julienne. Hipparque et peut-être Sosigène avaient conscience de ce décalage, mais il ne fut pas considéré comme important à l’époque de la réforme julienne. En 1582, ce décalage cumulé était de dix jours. Il en résultait un déplacement de la date de Pâques vers l’été, fête du printemps et du renouveau, fondamentale dans le calendrier liturgique romain.
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Le 24 février 1582, le pape Grégoire XIII promulgua la bulle Inter Gravissimas (bulle signée du 24 février 1581, car elle est datée selon l’ancien calendrier, qui plaçait encore le début de l’année au mois de mars), acte de naissance du calendrier qui porte le nom de son instigateur et qui est, encore aujourd’hui, utilisé dans la majeure partie du monde.

  • Structure du calendrier grégorien
« (…) seules les années séculaires divisibles par 400 seront bissextile. »
Bulle Inter Gravissimas

Le calendrier grégorien est analogue au calendrier julien de la Rome antique en vigueur jusqu’alors. C’est un calendrier solaire basé sur le retour au point vernal du Soleil chaque printemps (l’hypothèse de la révolution de la Terre autour du Soleil n’est pas validée à l’époque). En fait, la différence principale entre le nouveau calendrier et son ancêtre repose dans la distribution des années bissextiles.

On se souvient que le calendrier julien attribuait à l’année une durée moyenne de 365,25 jours alors que l’année tropique dure en moyenne 365,24219 jours. D’où un décalage de huit jours par millénaire par rapport au temps solaire, avec pour effet que la date de Pâques, déterminée par le 21 mars (sorte d’équinoxe de printemps légal issu du Concile de Nicée de 325), glissait progressivement en s’éloignant de l’équinoxe de printemps réel au point de se situer le 10 mars en 1582.

Le calendrier grégorien donne un temps moyen de l’année de 365,2425 jours. Aussi, pour assurer un nombre entier de jours à l’année, on y ajoute tous les quatre ans un jour intercalaire, à l’exception des années séculaires qui ne sont bissextiles que si leur millésime est divisible par 400. Il reste une erreur d’environ un jour sur 3000 ans contre un tous les 129 ans pour le calendrier julienNOTE 10.

  • L’ajustement grégorien avec le Soleil
« (…) afin de rendre à l’équinoxe de printemps la place qu’elle avait à l’origine et que les Pères du Concile de Nicée avaient fixée au 20 mars, dix jours du 5 octobre au 14 octobre 1582 inclus seront supprimés. »
Bulle Inter Gravissimas

Le décalage grégorien supprima donc dix jours et, dans les pays ayant immédiatement suivi Rome (Etats pontificaux et pays catholiques tels l’Espagne, le Portugal, les états de la péninsule italienne), le vendredi 15 octobre 1582 succéda au jeudi 4 octobre 1582 (le changement de calendrier modifie seulement les dates – le quantième – et non les jours de la semaine). Cette phase de la réforme a permis de fixer de nouveau l’équinoxe de printemps le 21 mars, comme ce fut le cas lors du Concile de Nicée de 325. En France, la suppression de dix jours eut lieu en décembre 1582, par lettres patentes du roi HENRI III, et le dimanche 9 décembre 1582 eut pour lendemain le lundi 20 décembre.

Car le passage du calendrier julien au calendrier grégorien n’eut pas lieu au même moment partout dans le monde, ce qui n’a pas manqué de causer des confusions. Le refus d’adopter le nouveau calendrier était principalement fondé sur une opposition politico-religieuse à la papauté. Comme le faisait remarquer avec dérision VOLTAIRE : « Il vaut mieux avoir tort contre le pape que raison avec lui. »

Lorsque la Grande-Bretagne protestante adopte la réforme grégorienne en 1752, le retard n’est plus de 10 jours mais de 11 (l’année 1700 ayant été comptée comme bissextile par le calendrier julien et étant considérée comme normale par le nouveau calendrier). Le mercredi 2 septembre de cette année fut suivi par le jeudi 14 septembreNOTE 11. C’est à la suite de la révolution bolchevique de 1917 que la Russie opte pour le calendrier grégorien en 1923. Mais c’est alors treize jours qu’il faut retrancher. La Révolution d’Octobre doit alors être commémorée… en novembre.NOTE 12

D’une manière générale, tous les pays de culte majoritairement orthodoxe adopteront le calendrier grégorien avant 1927.

  • Le calendrier grégorien proleptique

En Histoire on se réfère au calendrier julien pour la période précédent 1582. Le basculement entre les deux calendriers ayant eu lieu à des dates différentes selon les pays, des problèmes de datation se posent parfois et une même date peut correspondre à des moments différents.
Il est néanmoins possible d’étendre le calendrier grégorien en amont de sa création en 1582 : le « calendrier grégorien proleptique ». Mais il est rarement utilisé.

NOTES :

1) L’astronome français André Danjon (1890-1967) a défini, scientifiquement, l’année tropique comme l’intervalle de temps dans lequel la longitude moyenne du Soleil sur son orbite apparent (l’écliptique) croît de 360°. Sa taille est couramment de 365,242190 jours (elle était de 365,242196 jours en 1900, elle sera de 365,242184 jours en 2100) subissant l’influence des forces gravitationnelles des autres planètes.

2) Une année connaît deux solstices : en juin vers le 20 (comme en 1896 ou en 2008), le 21 ou le 22 (comme en 1975 et à nouveau en 2203, 2207, 2211, 2215 et 2302) et exceptionnellement le 19 (en 2488 pour la première fois depuis l’instauration du calendrier grégorien) ; en décembre vers le 20 (comme à la fin du XVIIe siècle ou comme se sera le cas à la fin des XXIe et XXVe siècles), le 21 ou le 22 et exceptionnellement le 23 (comme en 1903 ou pour la prochaine fois au début du XXIVe siècle).

3) Une année connaît deux équinoxes : en mars vers le 19 (quinze fois dans la seconde moitié du XVIIe siècle, cinq fois à la fin du XVIIIe siècle et à nouveau en 2044), le 20 ou le 21 (deux fois au XXIe siècle en 2003 et 2007, la prochaine fois en 2102) ; en septembre le 22, le 23 ou le 24 (deux fois au début du XIXe siècle, huit fois au début du XXe siècle et pour la dernière fois à cette date en 2303) et exceptionnellement le 21 (en 2092 pour la première fois depuis l’instauration du calendrier grégorien puis en 2096 et 2464).

4) Le mois draconique correspond à l’intervalle entre deux passages de la Lune au même nœud de son orbite (soit en moyenne 27,212221 jours). Le mois tropique est le temps mis par la Lune pour retrouver la même longitude écliptique (soit 27,321582 jours en moyenne). Le mois sidéral qui est la période orbitale de la Lune (27,321661 jours en moyenne). Le mois anomalistique, intervalle entre deux périgées de la Lune, qui mesure en moyenne 27,554540 jours.

5) La taille d’un mois synodique est estimée à 29,5305889 jours, soit 29 jours 12 heures 44 minutes et 2,8 secondes. Elle était en moyenne de 29,5305886 jours aux alentours de 1900 et elle sera de 29,5305891 en 2100.

6) Le calendrier étrusque comportait dix mois de 29 ou 30 jours et durait donc 295 jours. L’année commençait à l’équinoxe de printemps avec le mois de primus et se terminait en décembre qui était bien le dixième mois des origines. Lorsque le mois de décembre était écoulé, on ajoutait des jours sans nommer les mois jusqu’à la nouvelle Lune d’équinoxe de printemps suivant.

7) L’année athénienne se décomposait en douze mois lunaires. A l’origine, chaque mois comptait trente jours. Pour une meilleure concordance avec le cycle lunaire, une alternance de mois de vingt-neuf jours (koîloi mênes) et de trente jours (mênes plêreis) fut mise en place. L’année était donc de 354 ou 355 jours, soit 10 ou 11 jours de moins que l’année solaire (le cycle « triérétique »). Pour y remédier, on intercalait un 13ème mois de trente jours tous les trois ans. L’année était alors dite « embolismique ».
Une autre correction est ensuite appliquée au Vème siècle, celle du cycle « octaétérique », l’année étant encore trop longue par rapport au cycle solaire. Trois mois intercalaires sont insérés dans un cycle de huit ans au lieu de neuf.
D’autres cycles ont également été envisagés au cours de l’histoire athénienne. Ainsi, METON sous PERICLES met au point un cycle de 19 ans ; CALIPPE DE CYZIQUE, au IVème siècle avant J.-C., invente pour sa part le cycle de 73 ans.

8) Ce calendrier comportait douze mois de trente jours plus cinq jours supplémentaires, dits « épagomènes ». Il s’agissait d’un calendrier dit « vague » car dérivant du rythme des saisons de 0,2422 jour par an. En 238 avant J.-C., le pharaon PTOLEMEE III tente d’ajouter un sixième jour épagomène tous les quatre ans. Cette réforme sera imposé par AUGUSTE en 29 avant J.-C. L’année commençait le 1er du mois thot, jour sacré correspondant à l’origine au solstice d’été, à la crue du Nil et au « lever héliatique de Sirius ». Du fait de l’entêtement des Egyptiens à suivre une année de 365 jours, le 1er thot dériva jusqu’à tomber le 29 août lors de l’adoption du jour bissextile. Le 29 août est alors devenu le premier jour de l’année copte.A la vieille de l’apparition du Christianisme, Orient et Occident présentaient des principes très voisins concernant le calendrier.

9) Macrobe prétend que ces jours additionnels furent ajoutés immédiatement après le dernier de chacun de ces mois pour éviter de déplacer des fêtes établies. Ces jours supplémentaires eurent pour effet d’augmenter le compte initial du jour situé juste après les ides, ce qui ne fut pas sans conséquence sur les dates d’anniversaire des Romains nés après les ides. Ainsi, Marc Antoine, né le 14ème jour de ianuarius, décida de le conserver ainsi, ce qui fit passer sa date d’anniversaire de a.d. XVII Kal. Feb. à a.d. XIX Kal. Feb., une date qui n’existait pas auparavant. Livie la conserva à a.d. III Kal. Feb., ce qui la décala du 28ème au 30ème jour de ianuarius. Auguste conserva la sienne au 23ème jour de septembre, mais les deux dates, l’ancienne a.d. VIII Kal. Oct. et la nouvelle a.d. IX Kal. Oct., étaient célébrées à certains endroits.

9bis) Jérusalem. Les Eglises orthodoxes refusèrent toute la partie lunaire.
Presque toutes les Eglises orthodoxes continuent de célébrer les Pâques selon le calendrier julien le calendrier julien, à l’exception de l’Eglise orthodoxe de Finlande qui utilise le calendrier grégorien.
Dans un espoir d’un meilleur dialogue avec l’Eglise d’Occident, certaines Eglises orthodoxes ont accepté la partie solaire du calendrier julien révisé : le patriarcat œcuménique de Constantinople, les patriarcats d’Alexandrie et d’Antioche, les Eglises de Grèce, Chypre, Roumanie, Pologne et Bulgarie. Les fêtes fixes sont déterminées selon le calendrier grégorien, et les fêtes mobiles selon le calendrier julien.
Les Eglises orthodoxes de Jérusalem, Russie, Macédoine, Serbie Géorgie et Ukraine continuent de fêter toutes les fêtes selon l’ancien calendrier julien (fêtes fixes – par exemple Noël le 25 décembre julien soit le 7 janvier grégorien – et fêtes mobiles).
Outre les églises déjà citées, le calendrier julien demeure utilisé en Afrique du Nord, chez les Berbères. Le premier jour de l’année correspond actuellement au 14 janvier grégorien.

10) L’astronome JOHN HERSCHEL a proposé d’amender la règle pour considérer les multiples de 4000 comme des années normales (bien que s’agissant d’années séculaires divisibles par 400). Mais du fait du raccourcissement de l’année tropique (évalué à 0,5 seconde par siècle) et de l’allongement du jour (de 1,64 milliseconde par siècle), il est illusoire d’arriver à ce niveau de précision, les incertitudes sur la durée de l’année sur 10000 ans étant du même ordre de grandeur.

11) Cette adoption du nouveau calendrier fut prétexte à émeutes, car certains prétendaient qu’on devrait payer un loyer mensuel complet avec seulement 21 jours ouvrés.

12) La Suède, qui utilisait le calendrier julien, tenta d’utiliser un calendrier julien modifié pour passer graduellement au calendrier grégorien sans appliquer le décalage de dix jours. Le processus devait réduire graduellement le décalage d’un jour par an pendant onze ans. Seule l’année 1700 fut ainsi modifiée et considérée comme année normale (selon le calendrier grégorien) et non bissextile (selon le calendrier julien). Revenant au calendrier traditionnel en 1712, il fallut ajouter deux jours intercalaires en février (année doublement bissextile et « créant » pour l’occasion un 30 février !) pour rattraper le retard pris en 1700 par rapport au calendrier julien en vigueur chez ses voisins protestants ou orthodoxes.