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1054-1204 : Du schisme spirituel au schisme temporel entre chrétiens

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Le 12 avril 1204, les troupes de la IVème Croisade, composée de chevaliers venus de France, d'Italie ou encore d'Allemagne, que la découverte de Constantinople et de ses fabuleuses richesses a rendus particulièrement cupides, mettent à sac la « deuxième Rome » et massacrent deux mille Grecs.

La chute de l’empire d’Occident, en 410, n’est pas sans conséquences pour le christianisme, désormais clairement divisé entre l’Orient et l’Occident. En Occident, fort de sa primauté, le pape est désormais la seule autorité qui puisse négocier avec les Barbares. L’Eglise d’Orient reste dominée par la figure tutélaire de l’empereur qui établit quatre sièges patriarcaux : Constantinople « à égalité d’honneur » avec le siège papal, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Dirigées par des patriarches à forte personnalité, isolées à partir du VIIe siècle par l’avancée de l’islam, ces Eglises deviennent progressivement autonomes. Seule Constantinople continue de ferrailler avec Rome sur des détails de rite et de discipline. A plusieurs reprises, ces deux Eglises frôlent le schisme, la querelle la plus grave étant celle des images – Rome reprochant à Constantinople son culte des icônes. Le schisme finit par devenir inéluctable quand surgit une nouvelle querelle autour du pain de la communion. La rupture est prononcée en 1054 : Rome excommunie Michel Cérulaire, le patriarche de Constantinople. Une émeute populaire éclate, que l’empereur byzantin Constantin IX est incapable de contenir. Il fait fuir les légats du pape (21 juillet). Michel Cérulaire rassemble un synode qui proclame l’anathème des légats (20 juillet). Les liens toutefois maintenus, sont définitivement rompues après le sac de Constantinople. L’évolution des deux Eglises sera dès lors très divergente.

Dès lors, ces Eglises orientales revendiquent le nom d’« orthodoxes », parce que attachées à la juste doctrine, alors que l’Eglise d’Occident privilégie l’appellation de « catholique », c’est-à-dire universelle. Le 7 décembre 1965, avant-dernier jour du IIe concile œcuménique du Vatican, le pape Paul VI lève l'excommunication prononcée contre Michel 1er Cérulaire en même temps que le patriarche Athénagoras 1er de Constantinople lève celle contre le cardinal Humbert de Moyenmoutier.

La querelle du Filioque

Le débat porte sur le rapport entre le Saint-Esprit, d'une part, le Père et le Fils, d'autre part. À la question « De qui procède le Saint-Esprit ? », le Symbole de Nicée-Constantinople, élaboré au premier concile de Constantinople (381), proclame en langue grecque :

« Nous croyons en l'Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, qui procède du Père, qui a parlé par les Prophètes, qui avec le Père et le Fils est adoré et glorifié. » (dans la formule latine utilisée par les chrétiens d'Occident : « ... ex Patre procedit »).

La formulation évoque (malgré les différences de préposition et de verbe) celle de l'évangile de Jean (Jn 15,26) : « Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi. »

La querelle naît lorsqu'en Occident se généralise la formulation « Nous croyons en l'Esprit Saint... qui procède du Père et du Fils (ex Patre Filioque procedit) », pendant qu'en Orient on insiste sur le fait que l'Esprit Saint procède du Père seul.

Le mot Filioque (« et du Fils », en latin) a été introduit, sans doute en Espagne à la fin du VIème siècle, de même que dans le symbole d'Athanase (dont l'attribution est incertaine) et a été explicitée par Augustin d'Hippone. Il a fait partie du Credo liturgique romain à la suite de Benoît VII.

Dans sa Somme théologique, Thomas d'Aquin, si le Saint-Esprit procédait uniquement du Père et pas du Fils, puisque le Fils serait alors dans la même situation, rien ne distinguerait le Saint-Esprit et le Fils, « le Saint-Esprit ne pourrait en aucune manière être distingué personnellement du Fils », puisque les personnes divines ne se distinguent entre elles que par leurs relations. On peut ajouter le fait que le Père et le Fils étant consubstantiels, il n'est pas possible que le Père agisse sans que le Fils participe totalement à son action.

Dans la chrétienté grecque, on estime que l'Esprit procède du Père seul, « par le Fils », ce qui est affirmé d'abord par Maxime le Confesseur, ensuite, nettement, par Jean Damascène puis par la Profession de foi du Patriarche Taraise de Constantinople au deuxième concile de Nicée en 787.

Pour les églises orthodoxes, le Saint-Esprit ne découlant que de Dieu et non du Fils, toute âme, même non-chrétienne, peut être sauvée si c’est la volonté divine. Il n’y a pas nécessité d’envoyer des missionnaires convertir le monde.

En fait, cette querelle qui aboutit au schisme de 1054, n’est qu’un prétexte pour consommer une rupture déjà ancienne entre un christianisme oriental, jaloux de son indépendance, et un christianisme occidental totalement soumis à l’autorité du pape. Plus politique que théologique, liée aussi à des questions de sensibilité liturgique et d’organisation du clergé, cette séparation, aussi importante soit-elle, ne brise en rien l’unité de foi des chrétiens sur la question christologique : Jésus est partout vénéré comme l’incarnation de la seconde personne de la sainte Trinité.

Image: Le Saint-Esprit procédant du Père et du Fils, détail du retable de Boulbon, XVe siècle, musée du Louvre. Par Paterm (2008-12-07), Domaine public.


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